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Par Lunatysse le 30 Avril 2017 à 17:24
Documentaire sur la place des femmes sur youtube (et internet, et la société quoi), je le conseille à tous, elles mettent le doigt sur des points essentiels et des grands enjeux actuels. Si un jour j'ai le courage, ça serait un rêve de lancer une chaîne youtube sur les sujets qui me passionnent, en attendant un petit blog anonyme c'est bien aussi (on se comprend). Bisous à vous! Femmes, lancez-vous! <3 Et que l'espace public soit réapproprié.
3 commentaires -
Par Lunatysse le 29 Octobre 2016 à 21:39
J'ai récemment finit les cinq tomes du Guide du voyageur galactique (ou H2G2) qui a largement influencé la culture geek/pop et l'univers SF depuis les années 80. Douglas Adam, l'auteur, est clairement pour moi,un génie. RIP. Cette trilogie est légère, entraînante, fait rêver et rire,.. ah, tellement rire. Sa manière d'écrire est ultra décalée et rafraichissante. Dans un univers aux multiples possibles, où la terre est détruite en 1 minute pour avoir eu le malheur de se trouver sur le tracé d'une future voie express intergalactique (qui au final ne sera jamais construite), où le seul terrien survivant se retrouve à devenir astrostoppeur avec son ami, où les probabilités et les coïncidences ne font qu'un, bref, un monde loufoque, pleins de mots bizarre, de choses insensées, où tout existe, tout nous paraît possible. Tout va à une vitesse absolue, tout se mélange dans l'espace et le temps, et surtout, rien n'a de sens. Mais au final, qui s'en soucie?
Allons prendre un verre au Dernier Bar Avant la Fin du Monde, tant qu'on y est.
J'ai adoré. Et j'ai été très, très triste de savoir que je ne pourrais plus jamais lire une autre de ces histoires folles.
Ceci n'est pas forcément un extrait représentatif, mais c'est un extrait qui, vers 2h du matin, m'a fait sourire, puis rire, et j'étais bien.
« _Tu sais, parfois les gens racontent des histoires qui sont censées être arrivées au meilleur ami du cousin de leur femme mais qui ont sans doute été en bonne partie inventée en cours de route.
_Eh bien, mon histoire est une histoire de ce genre, sauf qu'elle est réellement arrivée, et la raison pour laquelle je sais qu'elle est réellement arrivée, c'est que la personne à qui elle est réellement arrivée, c'est moi.
[...]
_Bon, alors laisse-moi te donner l'idée générale. Je suis assis à table. À ma gauche, le journal. À ma droite, la tasse de café. Au milieu de la table, le paquet de biscuits.
_Je le vois parfaitement.
_Ce que tu ne vois pas, dit Arthur, parce que je ne l'ai pas encore mentionné, c'est le type déjà installé à la table. Il est assis en face de moi.
_À quoi il ressemble ?
_À un type parfaitement ordinaire. Mallette. Complet d'homme d'affaires. Bref, apparemment pas le genre de mec enclin à faire des trucs bizarres.
_Ah, je vois. Et qu'a-t-il fait ?
_Il a fait ceci : il s'est penché, a tendu la main par-dessus la table, a saisi le paquet de biscuits, l'a déchiré, en a pris un et...
_Et quoi ?
_ … et l'a mangé.
_ Quoi ?! »
Fenchurch le contempla, ahurie. « Dieu du ciel, et qu'as-tu fait ?
_Eh bien, vu les circonstance, j'ai fait ce que tout Britannique digne de ce nom aurait fait à ma place. Je me suis sentie poussé... à l'ignorer.
_Quoi ? Mais pourquoi ?
_Eh bien, ce n'est pas le genre de comportement auquel on nous forme, n'est-ce pas ? J'ai eu beau me triturer les méninges, j'ai découvert qu'il n'y avait rien dans mon éducation, mon expérience, ou même mes instincts primitifs qui puisse me dicter comment réagir face à un individu, tranquillement assis en face de moi et qui, sans vergogne, vient simplement de me piquer un de mes biscuits.
_Eh bien, tu aurais pu... je ne sais pas moi.. je dois avouer que moi non plus je ne suis pas sûre de savoir ce que j'aurais fait. Alors, que s'est-il passé ?
_ J'ai vrillé furieusement mon regard sur la grille de mots croisés. Incapable de trouver une seule définition, j'ai bu une gorgée de mon café, mais il était trop chaud, j'étais donc acculé. Alors, n'écoutant que mon courage, j'ai pris un biscuit, en essayant de toutes mes forces de ne pas remarquer que le paquet était déjà mystérieusement ouvert...
_ Mais tu as riposté, tout de même. Réagi avec fermeté.
_ À ma façon, oui. J'ai mangé le biscuit. Je l'ai mangé de manière parfaitement visible et délibérée, afin qu'il n'ait aucun doute sur ce que je faisais. Moi, quand je mange un biscuit, ajouta Arthur, il le reste. Mangé.
_Alors, qu'a-t-il fait ?
_Il en a pris en autre. Véridique, insista Arthur, c'est exactement ce qui s'est passé. Il a pris un autre biscuit et il l'a mangé. Clair comme le jour. Aussi sûr que nous sommes assis là tous les deux. »
Fenchurch gigota, mal à l'aise. Arthur poursuivit : « Et le problème, c'est que, n'ayant rien dit la toute première fois, je me trouvais, quelque part, encore plus coincé pour aborder le sujet la seconde. Que veux-tu dire ? « Excusez-moi, mais je n'ai pas pu m'empêcher de remarquer, euh... » ça ne marche pas. Non, je l'ai ignoré avec, si c'était possible, encore plus de vigueur qu'auparavant.
_Doux Jésus !
_J'ai contemplé de nouveau les mots croisés, toujours sans parvenir à remplir la moindre case, alors, n'écoutant que mon courage, j'ai décidé de faire comme Hamlet.
_C'est à dire ?
_J'ai décidé de craner. J'ai pris un deuxième biscuit. Et durant un instant nos regards se sont croisés.
_Comme ceci ?
_Oui, enfin, non, pas tout à fait comme ça. Mais ils se sont croisés. Rien qu'un instant. Puis nous avons l'un et l'autre détourné les yeux. Mais je peux te garantir qu'il y avait de l'électricité dans l'air. Et même, ajouta Arthur, une certaine tension qui montait autour de la table. À ce moment-là.
_J'imagine.
_On a fini tout le paquet comme ça. Lui, moi, lui, moi...
_Tout, le paquet ?
_Enfin, ce n'était jamais que huit biscuits, mais sur le coup, ça m'a paru une éternité pâtissière. Même des gladiateurs n'ont pas dû connaître pire.
_Des gladiateurs, remarqua Fenchurch, auraient dû subir l'épreuve en plein soleil. Encore plus éprouvant physiquement.
_Certes. Bon. Quand le paquet vide n'a plus été qu'une carcasse inerte gisant entre nous, l'homme s'est levé enfin, son forfait accompli, et il est parti. J'ai poussé un soupir de soulagement, tu penses bien. Coup de bol, mon train était annoncé d'ici à quelques minutes. J'ai donc fini mon café, me suis levé, j'ai pris le journal et sous le journal...
_Oui ?
_Il y avait -mes- biscuits.
_Hein ? dit Fenchurch. Quoi ?!
_ Véridique.
_Non ! » Elle s'étrangla et se renversa dans l'herbe, prise de fou rire.
Elle se rassit.
« T'es complètement givré, s'esclaffa-t-elle. T'es vraiment un crétin presque fini. »-H2G2, Douglas Adam
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Par Lunatysse le 10 Novembre 2015 à 15:16
Voilà voilà, j'ai découvert cette série il y a quelques mois, et sans mentir, je suis tombée amoureuse. Au début ça peut paraître spécial, mais l'humour cynique y est génial, les références sont fines, les critiques réelles bien que dans un univers décalé: bref, ça m'a complètement réconciliée avec les dessins animés. En gros, je dirais que cette série défie tous les codes pour se créer les siens, elle est décomplexée et juste.
Les références tiennent autant à la culture geek (star wars, H2G2, star gate) que moderne (inception, politique actuelle,...)
Voici quelques liens que j'ai pus utilisé pour regarder ces deux saisons génialissimes en VOSTFR! (pitié, la vo est un massacre, comme souvent mais quand même):
http://rickandmorty-tv.blogspot.fr/
http://www.rstream.net/serie/rick-and-morty-vostfr/season/1/episode/1
http://www.rickandmortystreaming.net/serie?season=Saison+1
http://cine-pocket.com/rick-and-morty-saison-2-vostfr/
Voilà voilà, en espérant que ça vous plaira!
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Par Lunatysse le 12 Avril 2015 à 13:30
« Elle est parvenue à ce point de fragilité, de déséquilibre, où les choses ont perdu leur sens, leurs proportions. À ce point de perméabilité où le plus infime détail peut la submerger de joie ou bien l'anéantir. »
« Aujourd'hui, parce qu'elle est arrivée au bout, au bout de ce qu'elle peut supporter, au bout de ce qu'il est humainement possible de supporter. C'est écrit dans l'ordre du monde. Dans le ciel liquide, dans la conjonction des planètes, dans la vibration des nombres. Il est écrit qu'aujourd'hui elle serait parvenue exactement là, au point de non-retour, là où plus rien de normal ne peut modifier le cours des heures, là où rien ne peut advenir qui ne menace l'ensemble, ne remette tout en question. Il faut que quelque chose se passe. Quelque chose d'exceptionnel. Pour sortir de là. Pour que ça s'arrête. »
« Ou bien elle rencontrerait un homme, dans le wagon ou au Café de la Gare, un homme qui lui dirait madame vous ne pouvez pas continuer comme ça, donnez-moi la main, prenez mon bras, rebroussez chemin, posez votre sac, ne restez pas debout, installez-vous à cette table, c'est fini, vous n'irez plus, ce n'est plus possible, vous allez vous battre, nous allons nous battre, je serai à vos côtés. Un homme ou une femme, après tout, peu importe. Quelqu'un qui comprendrait qu'elle ne peut plus y aller, que chaque jour qui passe elle entame sa substance, elle entame l'essentiel.
Quelqu'un qui caresserait sa joue, ou ses cheveux, qui murmurerait comme pour soi-même comment avez-vous fait pour tenir si longtemps, avec quel courage, quelles ressources. Quelqu'un qui s'opposerait. Qui dirait stop. Qui la prendrait en charge. Quelqu'un qui l'obligerait à descendre à la station précédente ou s'installerait en face d'elle au fond d'un bar. Qui regarderait tourner les heures sur l'horloge murale. À midi, il ou elle lui sourirait et lui dirait : voilà, c'est finit. »
« Elle sait qu'elle ne se rendormira pas, elle connaît le scénario par cœur, les positions qu'elle va adopter l'une après l'autre, la respiration qu'elle tentera d'apaiser, l'oreiller qu'elle calera sous sa nuque. Et puis elle finira par allumer la lumière, prendra un livre auquel elle ne parviendra pas à s'intéresser, elle regardera [ses] dessins accrochés aux murs, pour ne pas penser, ne pas anticiper la journée,
ne pas se voir descendre du train,
ne pas se voir dire bonjour avec l'envie de hurler,
ne pas se voir entrer dans l’ascenseur,
ne pas se voir avancer à pas feutrés sur la moquette grise,
ne pas se voir assise derrière ce bureau.Cela fait déjà longtemps qu'elle a perdu le sommeil. Presque chaque nuit l'angoisse la réveille, à la même heure, elle sait dans quel ordre elle va devoir contenir les images, les doutes, les questions, elle connaît par cœur les détours de l'insomnie, elle sait qu'elle vas ressasser tout depuis le début, comment ça a commencé, comment ça s'est aggravé, comment elle en est arrivée là, et cet impossible retour en arrière. […] Toutes ces choses autrefois si faciles aujourd'hui devenues si lourdes.
Dans la moiteur des draps elle parvient toujours à la même conclusion : elle ne va pas y arriver. »// « Elle concède son corps, une partie de son temps, sa présence un peu lointaine, elle sait qu'il donne et qu'elle ne lâche rien, rien d'essentiel.
Maintenant elle le remercie d'être là. En attendant mieux.
Elle n'a pas peur de le perdre, de le décevoir, de lui déplaire, elle n'a peur de rien : elle s'en fout.
Et contre ça, il ne peut rien.
Il faut qu'il la quitte. Il faut que ça s'arrête.
Il a suffisamment vécu pour savoir que cela ne se renverse pas. Lila n'est pas programmée pour tomber amoureuse de lui. Ces choses-là sont inscrites au fond des gens comme les données dans la mémoire morte d'un ordinateur. Lila ne le reconnaît pas au sens informatique du terme, exactement comme certains ordinateurs ne peuvent lire un document ou ouvrir certains disques. Il ne rentre pas dans ses paramètres. Dans sa configuration.
Quoiqu'il dise, quoiqu'il fasse, quoiqu'il essaie de composer.
Il est trop sensible, trop épidermique, trop impliqué, trop affectif. Pas assez lointain, pas assez chic, pas assez mystérieux,
Il n'est pas assez. »« Ce jour-là peut-être il avait compris que rien ne pourrait vivre ni grandir entre eux, rien ne pourrait s'étendre ni s’approfondir, et qu'ils resteraient là, immobiles, dans la surface molle des histoires éteintes. Ce jour-là peut-être il s'était dit qu'un jour il aurait la force de s'extraire et de ne plus jamais se retourner. »
« Il a pensé qu'il l'aimait, il aimait tout d'elle, les fluides, la matière, le goût. Il a pensé qu'il n'avait jamais aimé de cette manière, dans la perte, tout le temps, avec ce sentiments que rien n'était préhensible, que rien ne pouvait être retenu. »
// « Au moment où elle sort de la gare, il lui semble qu'elle a atteint sa propre limite, un point de saturation au-delà duquel il n'est plus possible d'aller. Il lui semble que chacun de ses gestes, chacun de ses mouvements, parce qu'il a été répété plus de trois mille fois, menace son équilibre. »
« Les gens gentils sont les plus dangereux. Ils menacent l'édifice, entament la forteresse, un mot de plus et Mathilde pourrait se mettre à pleurer. »
« Elle n'a même pas envie de pleurer.
Elle a du glisser par mégarde dans une autre réalité. Une réalité qu'elle ne peut comprendre, assimiler, une réalité dont elle ne peut saisir la vérité.
Ce n'est pas possible. Pas comme ça.
Sans que rien, jamais, n'ait été dit. Rien qui puisse permettre de passer outre, de réparer.
[…]
Parce qu'il y a cette violence, en elle, qui enfle d'un seul coup : un cri contenu trop longtemps. Ce n'est pas la première fois. »// « Le parfum de Lila flottait dans l'air, l'empreinte invisible lui arrachait la gorge.
Il est midi et il n'a pas faim. Il a un trou à l a place de l'estomac. Une douleur brute. Quelque chose qui oppresse, qui brûle, qui n'appelle aucune nourriture, aucun réconfort. »« Entre eux il avait été question de chimie : les corps étrangers parfois se mêlent, s'accordent, se confondent. Entre eux il avait été question de corps, sans aucun doute. Et comme il n'avait jamais tout a fait renoncé à ses expériences de petit garçon, il avait voulu savoir si le mélange des peaux pouvait se transformer, s'accomplir.
Si la chimie, par contagion, par diffraction, pouvait s'épandre, s'éprendre.
[…]
Très vite il s'était heurté à sa réserve, à sa distance, ses absences. Très vote il avait compris qu'elle ne pourrait l'aimer qu'à l'horizontale, ou quand il la tenait par les hanches au dessus de lui. Dès le début, il s'était heurté à cet air d'indifférence qu'elle opposait à toute tentative d'effusion, à son visage fermé des lendemains.
[…]
De même, quand ils se retrouvaient après quelques jours ou quelques semaines sans se voir, l'élan qui toujours le propulsait vers elle lui semblait faire offense, heurtait son immobilité. Il n'avait pas de prise. Rien à quoi s'accrocher.
Elle n'ouvrait pas les bras. »« Ils n'étaient pas ensembles. Ils ne formaient rien, aucune géométrie, aucune figure. Ils s'étaient rencontrés et s'étaient contentés de reproduire cette rencontre, autant de fois qu'ils s'étaient vus : se mélanger l'un à l'autre et constater l'évidence de la fusion.
Lila était sa perte. Sa punition.
[…]
La relation amoureuse peut-être se réduisait à ce déséquilibre : dès lors qu'on voulait quelque chose, dès lors qu'on attendait, on avait perdu.
La chimie ne pouvait rien contre la mémoire et les amours de Lila, inachevées. Il ne pesait rien contre l'homme qu'elle attendait, espérait, un homme lisse auquel il ne ressemblait pas.
Et les mots, comme les liquides, s'étaient évaporés.Cette fois, c'est lui qui a perdu. Il aime une femme qui ne l'aime pas. Peut-être n'existe-t-il rien de plus violent que ce constat, cette impuissance ? Peut-être qu'il n'y a pas pire chagrin, pire maladie ? »
Il regarde la ville, cette superposition de mouvements. Ce territoire infini d'intersections, où l'on ne se rencontre pas.
// « Cela ne peut plus durer, les dommages subis sont permanents et irréversibles, cela ne peut plus durer, les dommages subis sont permanents et irréversibles. »
« Mais les gens désespérés ne se rencontrent pas. Ou peut-être au cinéma. Dans la vraie vie, ils se croisent, s'effleurent, se percutent. Et souvent se repoussent, comme les pôles identiques de deux aimant. Il y a longtemps qu'elle le sait. »
La mort de Philippe fait partie d'elle. Elle est inscrite dans chacune des cellules de son corps. Dans la mémoire des sens. Et ce premier jour de printemps, baigné de soleil. Une cicatrice pâle, qui se confond avec la peau.
« Peut-être que tout est là : dans cette inconscience. Ainsi la vie en bocal est-elle possible tant que tout glisse, tant que rien ne heurte ni ne s'affole.
Et puis un jour, l'eau se trouble. Au début, c'est imperceptible. À peine un voile. Quelques particules de vase déposées au fond, invisibles à l’œil nu. En silence, quelque chose se décompose. On ne sait pas bien quoi. Et puis l'oxygène vient à manquer.IlJusqu'au jour où un poisson fou se met à dévorer tous les autres. »
// « Il est fatigué. Il aimerait qu'une femme le prenne dans se bras. Sans rien dire, juste un instant. Se reposer, quelques secondes, prendre appui. Sentir son corps se relâcher. Parfois il rêve d'une femme à qui il demanderai : est-ce que tu peux m'aimer ? Avec toute sa vie fatiguée derrière lui. Une femme qui connaîtrait le vertige, la peur et la joie.
Est-ce qu'il pourrait aimer une autre femme ?
Maintenant.
Est-ce qu'il pourrait désirer une autre femme : sa voix, sa peau, son parfum ? Est-ce qu'il serait prêt à recommencer, encore une fois ? Le jeu de la rencontre, le jeu de la séduction, les premiers mots, le premier contact physique, les bouches et puis les sexes, est-ce qu'il a encore la force ?
Est-ce qu'au contraire, il est amputé de quelque chose ? Est-ce que dorénavant quelque chose lui manque, lui fait défaut ?
Recommencer. Encore.
Est-ce que cela est possible ? Est-ce que cela a un sens ? »« Il est fatigué de ses humeurs feintes et de ses illusoires mixités. La ville est un mensonge assourdissant. »
// « Elle n'est pas en mesure de faire ce qu'il attend d'elle. Elle ne sait plus parler, elle n' a plus de mots. Elle qui était redoutée pour son aisance rhétorique. […] Maintenant elle fait partie des faibles. Des transparents, des rabougris, des silencieux.
Mathilde regarde la liste qu'elle vient de rédiger, ces choses minuscules qu'elle n'arrive plus à entreprendre. »
« Les autres poissons ont des couleurs flamboyantes, leurs écailles sont douces en apparence, leurs nageoires ne sont pas endommagées. Ils se sont éloignés d'elle, ils naviguent dans d'autres eaux, plus claires, plus limpides.
Elle a perdu ses couleurs, son corps est devenu translucide, elle gît à la surface, ventre à l'air. »« Au milieu de cette communauté morte, dépareillée, elle est le dernier souffle, la dernière respiration. Elle est en voie d'extinction. D'ailleurs, elle n'a que ça à faire. S'éteindre. Se fondre dans le décor, adopter les formes vieillies, s'y coller, s'y couler comme un fossile.
Ses pieds se balancent sous sa chaise. Rien ne lui échappe. Elle remarque tout. Elle est dans un état de conscience aiguë, singulière. Chacun de ses gestes, de ses mouvements, la main dans ses cheveux, la respiration qui soulève sa poitrine, le tressautement du muscle de sa cuisse, le moindre battement de ses paupières, rien ne bouge sans qu'elle le sache.
Ni autour ni à l'intérieur d'elle.
Le temps s'est épaissi. Le temps s'est amalgamé, agglutiné, le temps s'est bloqué à l'entrée d'un entonnoir. »« Pour la première fois depuis longtemps, elle a envie d'une cigarette. Elle a envie de sentir la fumée arracher sa gorge, ses poumons, envahir son corps, l'anesthésier. »
« Il pleuvait quand Mathilde est sortie de l'immeuble, une pluie fine salie par la proximité des usines, encrassée, une pluie chargée des excrétions du monde, a-t-elle pensé, le trottoir se dérobait sous elle, par endroits, ou bien étaient-ce ses jambes qui pliaient sous le poids du renoncement. C'était un affaissement vers le sol, imperceptible, comme si son corps ne savait plus comment tenir debout. À un moment elle s'est vue s'écrouler là, sur l'asphalte, par une forme de court-circuit. Pourtant non. »
« On and on, the rain will fall, like tears from a star, on and on the rain will say, how fragile we are, how fragile we are. Elle a pensé qu'elle était une silhouette grise parmi de smillions d'autres, glissant sur le bitume, elle a pensé qu'elle était lente. Auparavant, elle aurait couru jusqu'à la gare, même sur dix centimètres de talons. Auparavant, elle aurait calculé qu'en se dépêchant elle pourrait attraper le VOVA de 18h40. »
// « Emporté par le flot dense et désordonné, il a pensé que la ville toujours imposerait sa cadence, son empressement et ses heures d'affluence, qu'elle continuerait d'ignorer ces millions de trajectoires solitaires, à l'intersection desquelles il n'y a rien, rien d'autre que le vide ou bien une étincelle, aussitôt dissipée. »
-De Viguan.
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Par Lunatysse le 16 Novembre 2014 à 00:09
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